L’article 23 de la loi de finances pour 2022, modifiant l’art. 39, 1-2° du CGI, inscrit dans la loi un principe général de non-déductibilité fiscale de l’amortissement des fonds commerciaux, tout en apportant à ce principe une exception temporaire.
Selon l’article 212-3 du PCG, le fonds commercial est constitué d'éléments incorporels du fonds de commerce acquis qui ne font pas l’objet d’une évaluation et d’une comptabilisation séparées au bilan et qui concourent au maintien et au développement du potentiel d’activité de l’entité.
Sur le plan comptable, l’article 214-3 du PCG pose une présomption selon laquelle l’utilisation du fonds commercial n’est pas limitée dans le temps. En principe, le fonds commercial n’est donc pas amorti sur le plan comptable et il doit alors donner lieu à un test de dépréciation au moins une fois par exercice. Toutefois, cette présomption est réfutée s’il peut être démontré qu’il existe une limite prévisible à l’exploitation du fonds, ce dernier étant alors amorti sur sa durée d’utilisation, ou sur 10 ans si cette durée ne peut pas être déterminée de manière fiable.
De plus, les petites entreprises sont autorisées par l’article 214-3 du PCG à amortir sur 10 ans tous leurs fonds commerciaux, sans avoir à justifier d’une durée d’utilisation limitée. Cette simplification les dispense d’effectuer chaque année un test de dépréciation. Les petites entreprises sont celles ne dépassant pas deux des trois seuils suivants : total du bilan de 6M€, montant net du chiffre d'affaires de 12 M€ et nombre moyen de salariés employés au cours de l'exercice de 50.
Pour mémoire, le Conseil d’Etat a récemment jugé qu’il existait une déconnexion entre la comptabilité et la loi fiscale sur le sujet particulier de l’amortissement du fonds commercial des petites entreprises (CE Avis 8 septembre 2021, n°453458), dès lors qu’il est constamment rappelé par la jurisprudence que seul les éléments d’actif dont la durée d’utilisation est limitée peuvent faire l’objet d’un amortissement (voir notamment CE 1er octobre 1999, n° 177809), cette condition étant susceptible de s’appliquer aux éléments corporels comme aux éléments incorporels. Concernant ces derniers, le Conseil d’Etat juge régulièrement que peuvent faire l’objet d’un amortissement les éléments incorporels du fonds de commerce représentatifs d’une certaine clientèle attachée à ce fonds dès lors que :
Cette jurisprudence pouvait laisser espérer une certaine convergence entre la comptabilité et la fiscalité pour les entreprises autres que les petites entreprises, à tout le moins en ce qui concerne les principes, étant précisé que dans la pratique, le Conseil d’Etat n’a jamais rendu de décision positive autorisant la déduction fiscale de l‘amortissement du fonds commercial.
Désormais, la déconnexion entre la comptabilité et la fiscalité est prévue par la loi et même la démonstration de l’utilisation limitée d’un fonds commercial ne permettra plus d’envisager une déduction fiscale de l’amortissement constaté en comptabilité. Toutefois, à titre d’exception temporaire, la loi de finances prévoit que seront “admis en déduction les amortissements constatés dans la comptabilité des entreprises au titre des fonds commerciaux lorsqu’ils sont acquis à compter du 1er janvier 2022 et jusqu’au 31 décembre 2025”.
Conformément au rapport de la commission des finances (AN 1ère lecture), cette mesure a pour objectif d’apporter une aide fiscale importante à la transmission des fonds, dans une phase de reprise économique.
Eu égard au caractère général de cette disposition, la déduction concerne donc, pour les fonds commerciaux acquis entre 2021 et 2025, à la fois :
Il est prévu que le Gouvernement remettra au Parlement, avant le 1er juillet 2025, un rapport évaluant le coût pour l’État du dispositif ainsi que son efficacité au regard des objectifs qui lui sont fixés.
Des règles complémentaires sont prévues pour les entreprises bénéficiant de la mesure, si elles sont amenées à constater une dépréciation, fiscalement déductible, du fonds commercial qu’elles amortissent. Le texte prévoit que la dépréciation constatée doit être rapportée aux résultats imposables de chacun des exercices suivants celui au titre duquel elle a été déduite, pour un montant égal à la différence entre l’amortissement qui aurait été pratiqué si la provision n’avait pas été comptabilisée et l’amortissement effectivement comptabilisé à la clôture de l’exercice. La reprise de la dépréciation du fonds commercial étant interdite par les règles comptables, la réintégration prévue par le texte ne pourra, à notre avis, être qu’extra-comptable, et l’amortissement constaté en comptabilité devra être complété d’un amortissement dérogatoire afin d’assurer sur le plan fiscal l’amortissement de l’intégralité du coût de revient du fonds commercial. Des précisions devraient être apportées à ce sujet par l’administration dans le Bofip.
Pour mémoire, la loi de finances pour 2021 a supprimé, pour les dépenses exposées à compter du 1er janvier 2022, le dispositif de doublement des dépenses sous-traitées à des organismes publics ou assimilés, pour la détermination de l’assiette de calcul du crédit d’impôt recherche. Ce doublement de l’assiette des dépenses s’avérait en effet problématique au regard de la réglementation relative aux aides d’Etat.
Afin de compenser cette suppression, la loi instaure un crédit d’impôt au titre des dépenses facturées aux entreprises par des organismes de recherche et de diffusion des connaissances (“ORDC”) dans le cadre de contrats de collaboration conclus entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2025.
Selon l’exposé des motifs de cet article, introduit par amendement lors des débats parlementaires, les contrats de collaboration sont des contrats visant au portage commun, par une entreprise et un ou plusieurs organismes de recherche, de projets de recherche. Ils reposent sur un partage des risques et des résultats liés au projet et se distinguent de la sous-traitance classique en ce qu’ils établissent un partage des coûts, mais ne donnent pas lieu à la facturation, par les organismes de recherche, d’une marge commerciale, dès lors que les résultats mêmes du projet bénéficient à toutes les parties prenantes.
Ce nouveau crédit d’impôt, codifié à l’article 244 quater B bis du CGI, sera applicable aux entreprises industrielles, commerciales ou agricoles imposées selon un régime réel, ou temporairement exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies A, 44 duodecies et 44 terdecies à 44 septdecies du CGI, qui concluront un contrat de collaboration avec les organismes qui répondent à la définition donnée par la Communication de la Commission européenne 2014/C198/01 relative à l’encadrement des aides d’Etat à la recherche, au développement et à l’innovation. Ces mêmes organismes devront être agréés par le Ministère de la recherche en tant qu'ORDC. Ils devront en outre être sans lien de dépendance, au sens de l’article 39,12 du CGI, avec l’entreprise cocontractante.
Le contrat de collaboration devra être conclu avant l’engagement des travaux de recherche menés en collaboration. Il devra en outre :
Le bénéfice du crédit d’impôt sera de plus subordonné au respect des conditions suivantes :
Le crédit d'impôt sera égal à 40 % des sommes facturées par les ORDC (50% pour les PME au sens du droit européen), prises en compte dans la limite d’un plafond de 6 M€ par an. Ces dépenses devront être minorées de la quote-part des aides publiques perçues par les organismes au titre des opérations réalisées dans le cadre du contrat de collaboration. De même, les aides publiques reçues par l’entreprise elle-même à raison des opérations ouvrant droit au crédit d’impôt, devront être déduites des bases de calcul du crédit d’impôt, que ces dernières soient définitivement acquises ou remboursables. Lorsque ces aides sont remboursables, elles sont ajoutées aux bases de calcul du crédit d’impôt de l’année au cours de laquelle elles sont remboursées.
Les dépenses prises en compte dans la base de calcul de ce nouveau crédit d’impôt ne pourront par ailleurs être retenues pour le calcul du CIR ou de tout autre crédit d’impôt.
En revanche, le seuil de 100 M€ qui détermine le taux du CIR applicable sera désormais apprécié en tenant compte des dépenses ouvrant droit au crédit d’impôt en faveur de la recherche collaborative.
L’imputation du crédit d’impôt, l’utilisation de son éventuel excédent ainsi que son remboursement s'opèreront dans les mêmes conditions que pour le CIR. A ce titre, la créance de crédit d’impôt pourra faire l’objet d’un remboursement immédiat à certaines entreprises (notamment JEI, entreprises nouvelles répondant à certaines conditions, ou encore entreprises répondant à la définition de micro, petites et moyennes entreprises au sens du RGEC).
Il est par ailleurs prévu que les litiges portant sur ce nouveau dispositif pourront être portés devant le comité consultatif du CIR (article 1653 F nouveau du CGI). Les entreprises pourront en outre solliciter un rescrit spécifique ou un contrôle sur demande dans les mêmes conditions que pour le CIR.
On notera également que le texte de loi adapte les dispositions de l’article 44 sexies-0-A du CGI relatif aux JEI afin de préciser que les dépenses relevant du nouvel article 244 quater B bis seront prises en compte pour l’appréciation du statut de JEI (15 % des charges devant correspondre à la réalisation d’opérations de recherche).
Enfin, le bénéfice du nouveau dispositif sera placé sous le régime cadre exempté de notification d’aides à la recherche, au développement et à l’innovation, pris sur la base du règlement général d’exemption par catégorie (RGEC) n° 651/2014 adopté par la Commission européenne le 17 juin 2014, déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur.
Le nouveau dispositif s’appliquera aux dépenses facturées au titre des contrats de collaboration conclus à compter du 1er janvier 2022.
Le crédit d’impôt innovation prévu par l’article 244 quater B, II-k du CGI est prorogé de deux ans et s’appliquera donc pour les dépenses d'innovation exposées par les PME jusqu’au 31 décembre 2024. De plus, le dispositif est mis en conformité avec le droit européen. A cet effet, la prise en compte forfaitaire des dépenses de fonctionnement est supprimée pour les dépenses exposées à compter du 1er janvier 2023. Pour mémoire, cette prise en compte forfaitaire correspondait à 75 % des amortissements des immobilisations éligibles et 43 % des dépenses de personnel directement et exclusivement affecté à la réalisation des opérations concernées. En contrepartie, et à compter de la même date, le taux de droit commun du crédit d'impôt est relevé de 20 % à 30 % et le taux majoré applicable dans les exploitations outre-mer passe de 40 % à 60 %.
L'article 44 sexies-0 A du CGI (issu la loi n°2003-1311 de finances pour 2004) a créé le statut de jeune entreprise innovante (“JEI”), qui permet aux entreprises répondant aux conditions de ce statut de bénéficier d’allégements fiscaux divers, notamment une période d'exonération totale d’impôt sur les bénéfices à raison du premier exercice bénéficiaire, suivie d’une période d’abattement de 50 %, chacune d’une durée maximale de 12 mois.
Ces avantages étaient jusqu’à présent réservés aux entreprises créées depuis moins de huit ans, condition appréciée à la clôture de l'exercice au titre duquel l’entreprise prétend bénéficier des avantages liés au statut de JEI. La loi de finances pour 2022 allonge de trois ans la durée d'éligibilité des entreprises à ce statut, permettant dorénavant aux entreprises créées depuis moins de 11 ans d’en bénéficier.
L’article 19 de la loi met en œuvre certaines mesures annoncées dans le cadre du “Plan indépendants”, en septembre dernier, comportant notamment plusieurs dispositions visant à faciliter la reprise d’entreprises. Parmi ces mesures, certaines sont temporaires et liées à la crise sanitaire, d’autres sont pérennes. Ces nouvelles dispositions s’appliquent en matière d’IS au titre des exercices clos à compter du 31 décembre 2021 et en matière d'impôt sur le revenu, à l'imposition des plus-values réalisées au titre de l'année 2021.
Les plus-values réalisées à l’occasion de la cession d’une entreprise peuvent notamment bénéficier des dispositifs d’exonération suivants :
Ces deux dispositifs pouvaient jusqu’à présent s’appliquer au transfert d’une activité mise en location-gérance, mais uniquement à la condition que le fonds soit cédé au locataire-gérant.
La loi de finances assouplit, de manière pérenne, les conditions d’application de ces deux dispositifs aux activités mises en location en gérance en autorisant la cession à toute personne autre que le locataire-gérant, lorsque ce dernier ne reprend pas l’activité, sous réserve que la transmission du fonds soit assortie de la cession de l’intégralité des éléments concourant à l’exploitation de l’activité qui a fait l’objet du contrat de location-gérance ou d’un contrat comparable.
La loi rehausse également les plafonds d’application du dispositif d'exonération prévu par l’article 238 quindecies du CGI. Ces plafonds, qui s’appliquent en fonction de la valeur des éléments transmis sont rehaussés comme suit :
Les modalités d'appréciation de la valeur des éléments transmis sont également clarifiées : la référence du texte à la valeur des éléments transmis servant d’assiette aux droits d’enregistrement est supprimée pour être remplacée par la référence au « prix stipulé ou à la valeur vénale des éléments transmis, auxquels sont ajoutées les charges en capital et les indemnités stipulées au profit du cédant, à quelque titre et pour quelque cause que ce soit ». Cette nouvelle définition inclut donc en principe les éléments de l'actif circulant, dont les stocks, ainsi que potentiellement les immeubles. Il conviendra d'être attentif aux commentaires de l'administration qui devrait apporter des précisions sur les éléments à retenir ou non pour l'appréciation des plafonds.
Par ailleurs, le dispositif de l’art. 238 quindecies sera dorénavant soumis à la règle de minimis, laquelle plafonne les aides relevant de ce cadre à un montant maximum de 200 K€ sur une période glissante de trois exercices fiscaux (règlements UE 1408/2013, 717/2014 et 1407/2013).
Pour l'application des dispositions de l’article 151 septies A du CGI relatif aux exonérations de plus-values en cas de départ en retraite, il est prévu que le délai, entre la cessation des fonctions ou le départ à la retraite et la cession, ne doit pas excéder 24 mois. Lorsque la cessation des fonctions et le départ à la retraite ne sont pas concomitants, c’est le dernier de ces deux événements qui est pris en considération pour apprécier le délai de 24 mois, étant précisé que la cession peut intervenir avant ou après la cessation des fonctions ou le départ à la retraite.
En raison de la crise sanitaire, l’article 19 de la loi prévoit un assouplissement temporaire de ce délai qui est ainsi porté à 36 mois pour les entrepreneurs ayant fait valoir leurs droits à la retraite entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2021, lorsque ce départ en retraite précède la cession.
Un ajustement similaire est prévu s’agissant du dispositif codifié à l’article 150-0 D ter du CGI, qui prévoit que les dirigeants de PME soumises à l’IS qui cèdent les titres de leur société à l’occasion de leur départ en retraite peuvent bénéficier d’un abattement de 500 K€. Pour l’application de cette mesure, le délai séparant le départ à la retraite de la cession est également porté de 24 à 36 mois lorsque le départ à la retraite précède la cession. Ce dernier dispositif, initialement prévu pour s’appliquer aux cessions et rachats réalisés entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2022 est par ailleurs prolongé jusqu’au 31 décembre 2024.
Le montant du crédit d’impôt pour la formation du dirigeant, prévu à l’article 244 quater M du CGI, est doublé pour les microentreprises au sens du droit de l’UE, ayant un effectif salarié inférieur à 10 et dont le chiffre d’affaires ou le total du bilan est inférieur à 2M€. Pour ces entreprises, le crédit d’impôt sera ainsi égal à 2 fois le produit du nombre d’heures de formation par le taux horaire du SMIC, toujours dans la limite de 40h par année civile et par entreprise. Ces nouvelles dispositions s’appliquent aux heures de formation effectuées à compter du 1er janvier 2022.
Enfin, ce dispositif qui devait initialement prendre fin au 31 décembre 2022 est prorogé et s’appliquera aux heures de formation effectuées jusqu’au 31 décembre 2024.
Le bénéfice de la mesure de doublement du crédit d’impôt est subordonné au respect des règles de minimis.
L’article 220 quinquies du CGI autorise le report en arrière du déficit constaté à la clôture d’un exercice sur le bénéfice de l’exercice précédent, dans la limite du montant le plus faible entre ce bénéfice et un million d’euros. Pour l’application de ces dispositions, le bénéfice d’imputation est déterminé dans la limite de sa fraction non distribuée et à l’exclusion du bénéfice exonéré ou qui a donné lieu à un impôt payé au moyen de crédits d'impôts. Il est dorénavant prévu que l’exclusion s’applique également à la fraction du bénéfice qui a donné lieu à un impôt payé au moyen de réductions d’impôt. Cette précision s’applique pour les exercices clos à compter du 31 décembre 2021.
Le régime de report d’imposition prévu par l’article 151 octies A du CGI en faveur des personnes physiques associées de SCP, pour les plus-values nettes d'apport sur lesquelles elles sont personnellement imposables à l'occasion d'une fusion, d'un apport partiel d'actif portant sur une branche complète d'activité ou, sous certaines conditions, d'une scission est étendu aux personnes physiques associées de sociétés civiles agricoles (EARL, GAEC, SCEA, GFA, GFR, etc.). Le texte met en œuvre ce régime de neutralité pour les différents aspects spécifiques de la fiscalité agricole (déduction pour épargne de précaution, subventions d’équipement non encore rapportées, étalement des revenus exceptionnels, etc.). Ces dispositions s’appliquent à compter de l’impôt sur le revenu dû au titre de l’année 2021.