Mesures sectorielles et autres mesures

Suppression des taxes à faible rendement (LF art. 98)

La rationalisation des taxes à faible rendement s’inscrit depuis 2019 dans le cadre du programme « Action Publique 2022 » et des recommandations émises par le Cour des comptes et l’Inspection générale des finances. Cette rationalisation se traduit dans la loi de finances pour 2022 par la suppression des cinq taxes suivantes dont le rendement global est estimé à moins de 500 000 euros :

  • la tarification des déplacements urbains (codifiée à l’article 1609 quater A du CGI cette taxe applicable à expérimental n’a été mise en place par aucune collectivité) ;
  • la taxe due par les entreprises de transport public maritime sur les passagers embarqués dans les régions de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Guyane, de Mayotte et de la Réunion (article 285 ter du code des douanes - taxe mise en œuvre uniquement à Mayotte) ;
  • la redevance due par les titulaires de titres d’exploitation de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux au large de Saint-Pierre-et-Miquelon (article L 652-2 du code minier) ;
  • la taxe forfaitaire sur l’intervention occasionnée par l’usage d’une fréquence ou d'une installation radioélectrique sans autorisation (article 45 de la loi n° 86-1317 du 30 décembre 1986 de finances pour 1987). L’entrée en vigueur de cette suppression est différée au 1er janvier 2023.
  • En cohérence avec la suppression de la taxe sur les déclarations et notifications de produits du tabac affectée à l’ANSES, réalisée en loi de finances pour 2021, suppression des dispositions spécifiques à Wallis et Futuna qui mentionnent toujours cette taxe.

Suppression de dépenses fiscales inefficientes (LF art. 35)

Les dépenses fiscales sont des dispositions dont la mise en œuvre entraîne pour l’État une perte de recettes et mécaniquement, pour les contribuables, un allégement de leur charge fiscale. Dans la mesure où elles constituent des exceptions aux principes généraux du droit fiscal français et qu’elles ont un impact budgétaire effectif, les dépenses fiscales doivent faire l’objet d’une évaluation régulière.  Le Gouvernement et le Parlement se sont attachés dans le cadre du vote des dernières lois de finances à supprimer les dépenses fiscales dont l’évaluation a démontré l'inefficacité (mesures peu ou pas utilisées) ou leur obsolescence. La loi de finances pour 2022 acte la suppression des dispositifs fiscaux suivants :

  • exonération d’impôt sur les sociétés au titre des 24 premiers mois, des sociétés créées pour reprendre une entreprise industrielle en difficulté, ainsi que les exonérations facultatives de taxes locales (CFE, CVAE, TFPB) qui s’y rattachent (art. 44 septies, 1383 A, 1464 B et 1586 nonies du CGI). On notera qu’en dépit de la suppression des dispositifs d’exonération pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2022, l’exonération d’impôt sur les sociétés restera applicable, pour sa durée restant à courir pour les entreprises déjà éligibles à cette exonération. De même, les entreprises qui bénéficiaient d’exonérations d’impôts locaux à la date d’entrée en vigueur du présent article, continueront à bénéficier, jusqu’à leur terme, des effets de ces mêmes exonérations ;
  • exonération d’impôt sur les bénéfices, plafonnée à 61 000 euros de bénéfices, pour les entreprises implantées dans des zones franches urbaines de première et seconde générations (art. 44 octies du CGI). Ce dispositif devait s’appliquer jusqu’au 31 décembre 2021. On notera que la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances a créé de nouvelles ZFU dites de « troisième génération » et un nouveau régime d’exonération d’impôt sur les bénéfices, codifié à l’article 44 octies A du CGI, qui, quant à lui, demeure applicable ;
  • exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties des immeubles situés en zones franches urbaines et rattachés, entre 2006 et 2014, à un établissement implanté en ZFU pouvant bénéficier d’une exonération de CFE (article 1383 C bis du CGI) ;
  • exonération d’impôt sur le revenu des lots d’obligations et des primes de remboursement liées à des emprunts négociables émis avant le au 1er janvier 1992 (art 157, 3° du CGI), ainsi que des primes résultant de l’échange de titres relatif au regroupement des titres gérés par la SNCF (art. 157, 3° et art. 135 du CGI) ;
  • exonération d’impôt sur le revenu des intérêts résultant des sommes placées sur un compte épargne d’assurance pour la forêt, ou CEAF (art. 157, 23° du CGI) ;
  • exonération, sur agrément, des bénéfices réinvestis dans l'entreprise pour les sociétés de recherche et d'exploitation minière dans les départements d'outre-mer (art. 1655 bis du CGI) ;
  • réduction d’impôt sur le revenu applicable au titre des dépenses de maintien et de protection du patrimoine, réalisées sur certains espaces naturels entre 2010 et 2013 (art. 199 octovicies du CGI) ;
  • disposition anti-abus destinée à éviter le contournement de la taxe de 0,32 % qui s’appliquait en cas de transformation de contrats d’assurance-vie en contrats euro-croissance (art. 125-0-A, I, 2° deuxième alinéa du CGI). La taxe de 0,32% ayant été supprimée par la loi de finances pour 2021, le maintien de ce dispositif ne se justifiait plus ;  
  • exonération du prélèvement libératoire prévu au III de l’article 124 A du CGI sur les produits des emprunts contractés hors de France par des personnes morales françaises (art. 131 quater du CGI).

Prolongation d’une année de certains dispositifs zonés (LF art. 68)

La loi de finances pour 2021 avait déjà repoussé jusqu’au 31 décembre 2022 la date d’échéance de certains dispositifs zonés de soutien aux territoires en difficulté ou confrontés à des contraintes spécifiques.

L’article 68 de la présente loi de finances proroge d’une année supplémentaire, c’est-à-dire jusqu’au 31 décembre 2023 les dispositifs d’aides prévus pour :

  • les zones de revitalisation rurale (ZRR) ;
  • les zones d’aide à finalité régionale (AFR) ;
  • les zones d’aide à l’investissement des petites et moyennes entreprises (ZAIPME) ;
  • les zones franches urbaines-territoires entrepreneurs (ZFU-TE) ;
  • les bassins d’emploi à redynamiser (BER) ;
  • les bassins urbains à dynamiser (BUD) ;
  • les zones de développement prioritaire (ZDP).

En outre, la loi proroge également d’une année le dispositif d’exonération des commerces dans les quartiers prioritaires de la ville (QPV) issu de l’article 30 de la loi 2014-173 du 21 février 2014.

Enfin, la loi prolonge d’un an, jusqu’au 31 décembre 2023, l’abattement de 30 % sur la taxe foncière frappant les logements locatifs sociaux dont l’exonération de taxe foncière est arrivée à expiration, lorsque ces logements sont situés dans un QPV et font l’objet d’un contrat entre de ville entre le propriétaire et l’Etat (art. 1388 bis du CGI).

Aménagement de l'exonération de CFE des diffuseurs de presse spécialistes (LF art. 104)

En vertu de l'article 1458 bis du CGI, les diffuseurs de presse spécialistes bénéficient d’une exonération de plein droit de cotisation foncière des entreprises dès lors qu’ils respectent trois conditions tenant à la taille de l’entreprise (PME au sens du RGEC de la Commission européenne du 17 juin 2014), la composition de l'actionnariat (au moins 50 % de personnes physiques) et au fait que l’entreprise en cause ne soit pas liée avec une autre entreprise par un contrat visé par l’article L 330-3 du code du commerce (contrat d’approvisionnement ou de franchise).

La loi supprime cette troisième condition jugée injustifiée et non adaptée au regard de l’objectif du dispositif, qui est d’exonérer les diffuseurs de presse spécialistes ne faisant pas partie de grands groupes. La suppression de la référence à l’article L 330-3 du code de commerce mettra fin à certaines ambiguïtés susceptibles de créer une insécurité juridique pour les contribuables. Cette disposition s’appliquera à compter de 2022.

Exonération de taxe foncière des locaux des associations de protection des animaux (LF art. 102)

Les communes et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre pourront, par délibération prise jusqu’au 31 janvier 2022 exonérer de taxe foncière sur les propriétés bâties pour la part qui leur revient et pour une durée de deux ans au plus, les locaux utilisés par les associations de protection des animaux. Les propriétaires souhaitant bénéficier de l’exonération devront en adresser la demande au plus tard le 28 février 2022.

Transmission à titre gratuit de titres à une fondation reconnue d’utilité publique
(LF art. 9)

En vertu de l’article 38, 7 quinquies du CGI dans sa rédaction issue de la loi de finances pour 2021 l'imposition de la plus-value résultant de la transmission à titre gratuit et irrévocable de titres de capital ou de parts sociales à une fondation reconnue d'utilité publique (“FRUP”) peut faire l'objet d'un report jusqu'à leur cession par la fondation bénéficiaire de cette transmission. Ce dispositif a été commenté par l’administration au BOI-BIC-PVMV-30-30-140.

Pour l’application du dispositif, il est prévu que :

  • l’entreprise qui transmet les titres doit produire, au titre de l’exercice de la transmission, un état faisant apparaître le détail des plus-values réalisées lors de la transmission et dont l’imposition est reportée. La loi précise que cet état doit être annexé à sa déclaration de résultat.
  • la FRUP doit, en cas d'option pour le report d'imposition, communiquer à l'administration, au titre de l'année en cours à la date de la transmission et des années suivantes, un état faisant apparaître les renseignements nécessaires au suivi de la plus-value dont l'imposition est reportée.

La présente loi précise que ce dernier état est annexé à la déclaration de résultats de la FRUP ou, à défaut, adressé dans les mêmes délais que la déclaration de résultats mentionnée à l’article 223 du CGI.

La loi modifie par ailleurs l’article 1763 du CGI afin de prévoir que le défaut de production ou le caractère inexact ou incomplet de l'état devant être transmis à l'administration fiscale entraîne l'application d'une amende égale à 5 % des sommes omises. Il est en outre précisé à l’article 206 du CGI que, conformément à l’intention initiale du législateur, le mécanisme de report et donc l'imposition ultérieure de la FRUP lorsqu’elle cède les titres qui lui ont été transmis, intervient y compris lorsque les plus-values reportées se rattachent à des activités non lucratives ou exonérées.

Autres mesures

Au titre des mesures diverses ou sectorielles, on notera également :

  • En matière de trusts l’article 123 bis du CGI est complété et prévoit dorénavant que la condition de détention de 10 % dans une telle entité est présumée satisfaite :

- par le constituant ou le bénéficiaire réputé constituant d’un trust au sens de l’article 792-0 bis du CGI, la preuve contraire ne pouvant résulter uniquement du caractère irrévocable du trust et du pouvoir discrétionnaire de gestion de son administrateur ;

- ou par la personne physique qui a transféré des biens ou droits à une entité juridique située dans un État ou territoire non coopératif au sens de l’article 238-0 A du CGI. 

Ces dispositions s’appliquent à compter du 1er janvier 2022. On rappelle qu’aux termes de l’article 123 bis précité du CGI, lorsqu’une personne physique domiciliée en France détient directement ou indirectement 10 % au moins des actions, parts, droits financiers ou droits de vote dans une entité juridique, - personne morale, organisme, fiducie ou institution comparable, - établie ou constituée hors de France et soumise à un régime fiscal privilégié, les bénéfices ou les revenus positifs de cette entité juridique sont réputés constituer un revenu de capitaux mobiliers de cette personne physique dans la proportion des actions, parts ou droits financiers qu'elle détient directement ou indirectement lorsque l'actif ou les biens de la personne morale, de l'organisme, de la fiducie ou de l'institution comparable sont principalement constitués de valeurs mobilières, de créances, de dépôts ou de comptes courants (LF art. 133)

  • Pour accroître la production de logements locatifs intermédiaires en zones tendues, la loi substitue à l’exonération de 20 ans de taxe foncière sur les propriétés bâties dont bénéficiaient ces logements détenus par des investisseurs institutionnels une créance d’IS d’égal montant et pour la même durée, pour les logements achevés à compter du 1er janvier 2023 (LF art. 81).
  • La loi instaure une obligation de télérèglement de de la taxe de 3 % sur la valeur vénale des immeubles détenus en France, prévue à l’article 990 D du CGI (article 1681 septies du CGI).  Cette disposition s’appliquera à compter de 2022 (LF art. 138)
  • La loi aménage certaines dispositions de l’ordonnance n° 2021-797 du 23 juin 2021 relative au recouvrement, à l’affectation et au contrôle des contributions des employeurs au titre du financement de la formation professionnelle et de l’apprentissage et ajoute des dispositions de précision ou transitoires dans le cadre du transfert du recouvrement des contributions de formation professionnelle et de la taxe d’apprentissage URSSAF et caisses de mutualité sociale agricole (MSA) à compter du 1er janvier 2022. Par ailleurs, un régime transitoire est prévu en matière de taxe d'apprentissage afin de permettre une imposition sur la masse salariale 2021 des entreprises qui, à défaut, n’auraient plus été assujetties à la taxe à la suite des changements introduits par l’ordonnance n°2021-797 du 23 juin 2021. La plupart de ces mesures entrent en vigueur au lendemain de la publication de la loi au JO (LF art. 121 et 127).
  • Les sociétés foncières agréées ESUS (entreprise solidaire d’utilité sociale) assurant un service d'intérêt économique général sont exclues de la définition des personnes morales à prépondérance immobilière de l’article 726 du CGI. Les cessions des droits sociaux de ces sociétés sont ainsi soumises aux droits d'enregistrement au taux de 0,1 %, ce qui aligne leur régime sur celui des organismes d'habitation à loyer modéré (HLM) et les sociétés d'économie mixte exerçant une activité de construction ou de gestion de logements sociaux. Cette disposition s’appliquera à compter de 2022 (LF art. 22).
  • Deux dispositions visent à assurer la neutralité fiscale du transfert d’actifs vers ou depuis le canton PER, pour les sociétés d’assurance (LF art. 20) et, pour les OPC, du cantonnement d’actifs devenus illiquides (LF art. 21)
  • La taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires (TREF) disparaîtra en 2023 tandis que la contribution de solidarité territoriale (CST) sera supprimée dès 2022. Ces deux taxes pesaient sur l'activité TGV de la SNCF et étaient considérées comme pénalisantes dans la perspective de l’ouverture à la concurrence (LF art. 36).
  • En matière de taxe locale sur la publicité extérieure (TLPE), la loi supprime l’obligation du dépôt d’une déclaration annuelle et lui substitue une obligation déclarative dans les deux mois, en cas de nouvelles installations ou en cas de modification, de remplacement ou de suppression des supports publicitaires (LF art. 100).
  • La taxe sur les éoliennes en mer situées sur le domaine public maritime (CGI art. 1519 B et 1519 C) est étendue aux futures implantations en zone économique exclusive. A la différence des éoliennes terrestres, qui sont soumises à l’IFER, les éoliennes situées en mer sur le domaine public maritime (DPM) sont imposées via une taxe spécifique prévue à l’article 1519 B du CGI.  La création et l’entrée en service à l’horizon 2029 de nouveaux parcs éoliens situés en zone économique exclusive (ZEE), c’est à dire au-delà du DPM, était prévue sans que le régime fiscal actuel ne comporte d’équivalent à la taxe due pour les éoliennes maritimes sur le DPM. La loi prévoit donc l'extension de la taxe applicable aux éoliennes en mer localisées dans le DPM à ces futures éoliennes en ZEE pour les exploitants retenus après mise en concurrence, à compter du 1er janvier 2022. Il est également prévu que la ZEE pourra être exploitée gratuitement pour les ouvrages de production d’énergie renouvelable en mer et pour le poste électrique en mer du gestionnaire du réseau de transport entre la délivrance de l’autorisation unique et l’échéance du contrat conclu en application de l’article L 311‑12 du code de l’énergie (LF art. 101).
  • La perception de la taxe sur les spectacles de variétés est annulée jusqu’au 31 décembre 2021 (au lieu du 30 juin 2021) en raison de la crise sanitaire (LF art. 126).
  • La loi limite le droit de communication dont dispose l'administration fiscale auprès des opérateurs de téléphonie et d'internet prévu par l’article L 96 G du LPF aux infractions les plus graves permettant de conduire à l’engagement de poursuites pénales pour délit de fraude fiscale. Ces dispositions entrent en vigueur le lendemain de la publication de la loi au JO (LF art. 145).
  • Afin d’obtenir un meilleur rendu de l’efficacité du dispositif expérimental d'indemnisation des aviseurs fiscaux (LPF art. L 10-0 AC), la loi proroge jusqu’au 31 décembre 2023 l’extension du champ d’application de ce dispositif, prévu par la loi de finances pour 2020, aux principaux manquements à la législation fiscale en matière d’établissement de l’assiette ou de liquidation de l’impôt, lorsque le montant estimé des droits éludés est supérieur à 100 000 euros (LF art. 144).
  • Un rapport du Gouvernement sera remis au Parlement sur le bilan de l’exécution par l’État de ses engagements relatifs aux échanges de renseignement en matière fiscale, notamment au regard du Règlement général sur la protection des données (RGPD). Ce rapport devra être remis avant le 28 février 2022 (LF art. 172).
  • Un rapport du Gouvernement sera remis au Parlement sur l’évolution « des montants d’intérêts de retard et d’intérêts moratoires perçus et versés, depuis 2006, ainsi qu’une évaluation de leurs montants potentiels dans les années à venir », à la suite d’une augmentation substantielle de leur coût en 2020. Le rapport devra également préciser les potentielles évolutions des systèmes informatiques employés par l’administration fiscale, afin de présenter les informations manquantes quant à ces intérêts.  Ce rapport devra être remis avant le 1er juillet 2022 (LF art. 201).
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Emmanuel Raingeard de la Blétière

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