Les articles 8, 29 et 120 de la loi de finances pour 2021 mettent en œuvre la baisse de la CVAE, de la CFE et de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Cette baisse s’inscrit dans le cadre de la diminution des impôts de production annoncée par le gouvernement lors de la présentation du plan de relance et a pour objectif de renforcer la compétitivité des entreprises françaises. A ce titre, les mesures adoptées sont les suivantes :
Réduction de moitié de la CVAE (art. 8)
L’article 8 de la loi prévoit une diminution de la CVAE à hauteur de la part de la cotisation revenant aux régions soit 50 %. Pour mémoire, depuis 2016, la répartition du produit de la CVAE entre les collectivités territoriales était la suivante : 50 % pour les régions, 23,5 % pour les départements et 26,5 % pour le bloc communal. La suppression de la part régionale se traduira désormais par une répartition de la CVAE à hauteur de 47 % pour les départements et 53 % pour le bloc communal. Les régions bénéficieront, en compensation de la baisse de leurs recettes, de l’attribution d’une fraction de la TVA nationale.
En pratique, cette baisse va se traduire par une diminution de moitié du taux d’imposition qui passera de 1,5 % à 0,75 % pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 50 m€ (HT). Pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à ce seuil, le taux applicable sera également diminué de moitié et sera désormais le suivant :
Montant du CA HT |
Taux effectif d’imposition (PLF 2021) |
---|---|
< 5000 000 € |
0 % |
500 000 € ≤ CA ≤ 3 000 000 € |
0,25 % x (CA- 5000 000 €) / 2 500 000 € |
3 000 € ≤ CA ≤ 10 000 000 € |
0,25 % + 0,45 % x (CA-3 000 000 €) / 7 000 000 € |
10 000 000 € ≤ CA ≤ 50 000 000 € |
0,7 % + 0,05 % x (CA- 10 000 000 €) / 40 000 000 € |
> 50 000 000 € |
0,75 % |
En conséquence de cette baisse de moitié du taux d’imposition, le dégrèvement complémentaire de CVAE dont bénéficient les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 2M€ (art. 1586 quater II, CGI), sera porté de 1 000 € à 500 €. Par ailleurs, pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 500 000 € le montant minimum de CVAE passera de 250 € à 125 € (art. 1586 septies, CGI).
Enfin, le taux de la taxe additionnelle à la CVAE (TACVAE) sera multiplié par 2 et passera de 1,73 % à 3,46 % afin de neutraliser l’effet de la réforme sur les ressources des CCI.
L’ensemble de ces modifications s’appliquera à la CVAE due par les entreprises au titre de l’année 2021. En conséquence, les entreprises pourront appliquer les nouveaux taux dès le paiement des acomptes de CVAE dus au titre de 2021 (en juin et septembre 2021) puisque ces acomptes correspondent à 50 % de la CVAE due au titre de l’année d’imposition. En revanche, ces acomptes resteront calculés sur la base de la valeur ajoutée de l’année N-1.
On notera également que l’article 8 de la loi de finances a modifié le seuil de cotisation au-delà duquel des acomptes de CVAE sont exigibles. Ce seuil, déterminé sur la base de la CVAE de l’année précédant celle de l’imposition, passe de 3 000 euros à 1 500 euros et s’appliquera aux acomptes dus au titre de 2022 et des années suivantes.
Enfin, bien que cet aménagement du taux de la CVAE ne soit applicable qu’à compter de 2021, cette modification pourrait avoir un impact sur les comptes consolidés clos au 31 décembre 2020 de certaines entreprises. En effet, en raison de la classification de la CVAE en impôt sur le résultat (en US GAAP et, sur option, en IFRS), les impôts différés calculés sur les différences temporelles comprises dans les bases de CVAE devraient être ajustées, dès la clôture au 31 décembre 2020, pour tenir compte de la baisse du taux de 1,5% à 0,75%.
En outre, la loi ayant été publiée le 29 décembre 2020, ses dispositions seront, en application des normes comptables, applicables à la première clôture intermédiaire suivant la publication de la loi, donc notamment à la clôture intermédiaire au 31 décembre 2020.
Pour l'exercice 2021 des sociétés qui présentent la CVAE en impôt sur le résultat, la baisse du taux devrait améliorer le taux effectif d'imposition (TEI) de la période. Les sociétés qui calculent leur charge d'impôt en cours d'année selon la méthode du TEI devront également prendre en compte cette baisse du taux dans leurs prévisions de charge.
Abaissement du taux du plafonnement de la CET en fonction de la valeur ajoutée (art. 8)
Pour mémoire, le plafonnement de la CET en fonction de la valeur ajoutée, prévu par l’article 1647 B sexies du CGI, est un dispositif qui prévoit que lorsque le montant de la CET de chaque entreprise (i.e. montant cumulé de la CFE et de la CVAE) excède un certain pourcentage de la valeur ajoutée produite, l’excédent peut faire l’objet, sur demande du contribuable, d’un dégrèvement.
L’article 8 prévoit un abaissement du taux du plafonnement de la CET de 3 % à 2 % de la valeur ajoutée. Cet abaissement a pour objectif de garantir que toutes les entreprises, y compris celles qui sont d’ores et déjà éligibles à ce dispositif, bénéficient pleinement de la mesure de baisse de la CVAE décrite ci-dessus. En effet, à défaut d’abaissement de ce seuil, le gain lié à la division par deux du taux de la CVAE pourrait être neutralisé en tout ou partie.
L’abaissement du taux à 2 % s’appliquera à compter des impositions dues au titre de 2021.
Révision des modalités d’évaluation de la valeur locative des établissements industriels (art. 29)
L’article 29 de la loi de finances met en œuvre une réduction de moitié de la valeur locative des établissements industriels. Cette réduction se traduira en conséquence par une réduction de moitié des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties et de CFE de ces établissements.
On rappelle que la valeur locative des établissements industriels est déterminée selon une méthode spécifique, prévue à l’article 1499 du CGI, dite « méthode comptable ». Selon cette méthode, la valeur locative est établie à partir du prix de revient des divers éléments des établissements industriels qui se voient appliquer un taux d’intérêt fixé par décret en Conseil d’Etat. Ce taux s’élève actuellement à 8 % pour les sols et terrains et à 12 % pour les constructions et installations. La valeur locative fait en outre l’objet d’un abattement d’un tiers (25 % pour les biens acquis avant 1976).
En application des nouvelles dispositions, les taux d’intérêts applicables, qui sont désormais fixés par la loi, seront portés à 4 % pour les sols et terrains et à 6 % pour les constructions et installations, tandis que l’abattement d’un tiers (ou celui de 25 %) demeurera inchangé. Il en résulte donc mécaniquement une baisse de moitié des cotisations de taxe foncière et de CFE pour les entreprises exploitant des établissements dont la valeur locative est établie selon la méthode qui vient d’être exposée.
On notera enfin, qu’alors que le projet de loi de finances prévoyait initialement la mise en place d’un nouveau mécanisme de mise à jour annuelle des valeurs locatives des bâtiments et terrains industriels, afin de rapprocher cette revalorisation de celle applicable aux autres locaux, l’Assemblée nationale a rejeté cette proposition. La revalorisation annuelle des valeurs locatives restera donc basée sur l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH). La revalorisation annuelle devrait donc demeurer beaucoup plus dynamique que celle des autres types de locaux.
La baisse des valeurs locatives des locaux industriels s’appliquera aux impositions établies à compter de 2021.
L’article 29 de la loi de finances tire en outre les conséquences de la baisse de la valeur locative des établissements industriels en prévoyant que les contribuables pourront réduire de moitié le montant de l’acompte de CFE à verser en 2021. Les contribuables ayant opté pour le paiement par prélèvement mensuel de la CFE et de la taxe foncière sur les propriétés bâties pourront de même demander la réduction de moitié de leurs prélèvements effectués au titre de 2021.
Exonération, sur délibération des collectivités locales, de CFE et de CVAE, en cas de création ou d’extension d’établissement (art. 120)
En l’état actuel des textes, une création d’établissement n’est en principe imposable qu’à partir de l’année N+1. En cas d’extension d’établissement, la prise en compte des nouvelles bases d’imposition n’intervient qu’au titre de l’année N+2 (la période de référence retenue étant celle de l’avant dernière année précédant celle de l’imposition, soit un décalage de deux ans entre l’augmentation des bases et la période d’imposition).
La loi de finances pour 2021 instaure un nouveau dispositif, codifié dans un nouvel article 1478 bis du CGI, permettant aux collectivités locales, sur délibération, d’exonérer de CFE pour la part leur revenant et pour une période de trois ans, les créations et extensions d’établissements. L’exonération, si elle est votée, sera ainsi applicable pour trois ans à compter :
L’exonération sera facultative et sera subordonnée à une délibération de chacune des collectivités bénéficiaires, en l’occurrence, les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre pour la CFE. Elle s’appliquera obligatoirement sur une période de trois ans et devra porter sur la totalité de l’imposition revenant à la collectivité qui vote la mesure. Celle-ci ne disposera donc d’aucune latitude pour réduire la durée de l’exonération ou pour l’appliquer partiellement.
Dans le cadre de ce nouveau dispositif, l’article 120 de la loi prévoit l’abrogation du b de l’article 1466 A, II du CGI qui définissait jusqu’à présent l’extension d’établissement et en donne une nouvelle définition insérée dans un nouvel article 1468 bis du CGI. Aux termes de ce nouvel article, l’extension d’établissement s’entend de l’augmentation nette de la base d’imposition par rapport à celle de l’année précédente revalorisée selon la méthode retenue pour les locaux professionnels ou pour les locaux industriels. Il est précisé que sont exclues du calcul diverses causes d’augmentation de la base qui ne résultent pas d’un investissement foncier comme, par exemple, les changements de méthode de détermination des valeurs locatives ou encore les changements d’utilisation de locaux professionnels conduisant à une modification des tarifs.
On notera que la définition de la création d’établissement n’est pas issue de la loi mais de la doctrine administrative qui retient à ce titre toute implantation nouvelle d’une entreprise qui ne s’analyse pas en un changement d’exploitant et notamment l’exercice d’une activité différente de celle du prédécesseur en cas de cession, l’exercice d’une activité différente par le même exploitant, le transfert d’une activité dans une autre commune sans reprise ou encore la création d’une activité dans une commune.
Il est précisé que l’exonération s’appliquera uniquement sur demande des entreprises, auprès du service des impôts dont relèvent les établissements concernés, dans le délai prévu à l’article 1477 du CGI c’est-à-dire dans le délai de dépôt de la déclaration de CFE (déclaration 1447 C ou 1447 M selon les cas). A défaut du dépôt de la demande dans les délais prévus, l’exonération ne sera pas accordée au titre de l’année concernée.
Enfin, il convient de noter que l’exonération de CFE pourra également s’appliquer à la CVAE. En effet, en application des dispositions de l’article 1586 nonies, I du CGI, la valeur ajoutée des établissements exonérés de CFE en application d’une délibération d’une commune ou d’un EPCI est, à la demande de l’entreprise, exonérée de CVAE pour sa fraction taxée au profit de la commune ou de l’EPCI. De plus, les autres collectivités bénéficiaires de la CVAE (i.e. les seuls départements à compter de 2021) peuvent également décider de voter la même exonération pour la part de CVAE leur revenant (art. 1586 nonies, II du CGI). Celle-ci s’applique également sur demande de l’entreprise.
Ce nouveau dispositif s’appliquera aux créations et extensions d’établissements intervenues à compter du 1er janvier 2021, sous réserve qu’une délibération en ce sens ait été votée avant le 1er octobre 2021. Ainsi en pratique, sous réserve d’une telle délibération et compte tenu des règles d’imposition rappelées ci-dessus, le dispositif devrait s’appliquer pour la première fois aux impositions établies au titre de 2022 pour les créations d’établissement et aux impositions établies au titre de 2023 pour les extensions d’établissement.
Pour les impositions dues à compter de 2021, l’extension aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de la possibilité, jusqu’à présent réservée aux seules communes, d’exonérer de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, pour la part qui leur revient, les propriétaires ayant conclu une obligation réelle environnementale, mentionnée à l’article L. 132-3 du code de l’environnement (art. 130).
Une adaptation technique des dispositions de l’article 1499-00 A du CGI, relatives à la méthode d’évaluation des casiers d’enfouissement des déchets une fois leur exploitation terminée, afin de les rendre opérantes, notamment par l’adoption de précisions concernant la nature des biens en cause (déchets souterrains et non dangereux) et la date à partir de laquelle la nouvelle méthode d’évaluation s’appliquera (art.132). L’adaptation du dispositif sera applicable pour les impositions dues à compter de 2021.
La clarification des modalités d’actualisation sexennale des valeurs locatives des locaux professionnels, qui passera désormais par la réalisation d’une campagne déclarative réalisée tous les douze ans (art.134).
L’allongement de 5 à 7 ans de la période maximale au cours de laquelle une commune ou un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre peut instaurer, à titre expérimental, une part incitative de taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOMI) sur une partie seulement de son territoire (I bis de l’art. 1522 bis du CGI). La TEOMI est assise sur la quantité et éventuellement la nature des déchets produits (art.135). La mesure s’applique aux délibérations postérieures au 1er janvier 2021.
Les modalités d’établissement de la taxe perçue au profit des chambres d'agriculture (dite « taxe pour frais de chambre d'agriculture » ou encore « taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non bâties ») sont modifiées dans l’objectif d’une plus grande harmonisation des taux, sur une durée de six ans (art. 83).