Création d’un crédit d’impôt au titre des investissements en faveur de l’industrie verte (LF art. 35)

Conformément aux annonces faites lors de la présentation du projet de loi relatif à l’industrie verte, l’article 35 de la loi de finances prévoit la création d’un crédit d’impôt au titre des investissements dans l’industrie verte (désigné sous l’acronyme C3IV). Ce crédit d’impôt qui sera soumis à un agrément préalable s’appuie sur les nouvelles possibilités d’aide aux investissements ouvertes au sein de l’Union européenne à la suite de la communication de la Commission européenne du 9 mai 2023 sur l’encadrement temporaire de crise et de transition (« Temporary crisis and transition Framework » ou « TCTF »). Ce nouvel encadrement temporaire a en effet introduit de nouvelles mesures, applicables jusqu’au 31 décembre 2025, afin d’accélérer les investissements dans les secteurs essentiels à la transition vers une économie à zéro émission nette. 

Dans ce cadre, le C3IV fait l’objet d’une notification par la France à la Commission européenne en décembre 2023. Cette dernière, dans une décision datée du 8 janvier 2024, a autorisé la mesure qu'elle a jugé conforme aux règles de l'UE en matière d'aides d'Etat.

  • Les entreprises concernées 

Le nouveau crédit d’impôt, codifié à l’article 244 quater I du CGI, s’appliquera aux entreprises industrielles et commerciales imposées selon un régime réel ou exonérées en application des régimes de faveur des entreprises nouvelles (CGI art. 44 sexies), des JEI (CGI art. 44 sexies A) et des entreprises implantées dans certaines zones (CGI art. 44 octies A, 44 duodecies à 44 septdecies). Sont en outre expressément exclues du dispositif les entreprises qui ne respectent pas les conditions cumulatives suivantes : 

- Ne pas être une entreprise en difficulté au sens de l’article 2 du règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 ;

- Avoir respecté, au titre de chacun des exercices au titre duquel le crédit d’impôt est imputé leurs obligations fiscales et sociales et l’obligation de dépôt de leurs comptes annuels selon les modalités prévues par le code de commerce ;

- Ne pas avoir procédé au cours des deux années précédant le dépôt de la demande d’agrément à un transfert vers la France, depuis un État membre ou un État de l’EEE, au transfert d’activités identiques ou similaires à celles éligibles et ne pas procéder au transfert hors de France des investissements éligibles au cours des cinq exercices suivants leur mise en service ; 

- Exploiter les investissements éligibles en France pendant au moins cinq ans (trois ans pour les petites et moyennes entreprises au sens communautaire) à compter de leur date de mise en service ;

- Exploiter les investissements éligibles en conformité avec la législation environnementale. 

  • L’assiette du crédit d’impôt

Les investissements éligibles 

Sont éligibles les dépenses d’investissement, autres que de remplacement, engagées par les entreprises pour leurs activités contribuant à la production de batteries, de panneaux solaires, d’éoliennes ou de pompes à chaleur.

Lors des débats sur ce nouveau dispositif, le Sénat a adopté un amendement étendant le crédit d’impôt à la filière de production des électrolyseurs (filière de l’hydrogène bas carbone), comme l’autorise le TCTF. Cet élargissement n’a toutefois pas été retenu dans le texte final. 

Ces activités, classées en trois catégories sont précisément définies au A du II de l’article 244 quater I du CGI et s’entendent pour chaque filière : 

- de la fabrication des équipements en tant que tels, ou de leurs principaux composants essentiels conçus et utilisés principalement comme intrants directs dans la production des équipements concernés, 

- de la fabrication des autres composants essentiels conçus et utilisés principalement comme intrants directs dans la production des équipements concernés, 

- de l’extraction, la production, la transformation et la valorisation de matières premières critiques correspondantes nécessaires à la production des équipements et composants essentiels.

Le tableau ci-dessous en partie issu du rapport de la Commission des finances du Sénat et corrigé des amendements ultérieurement adoptés présente les différentes activités éligibles au C3IV. 

Activités éligibles au C3IV

 

 

 

Filière de production des batteries

Filière de production des panneaux solaires

Filière de production des éoliennes Filière de production des pompes à chaleur

(a) fabrication des équipements eux-mêmes ou de leurs principaux composants essentiels conçus et utilisés principalement comme intrants directs dans la production des équipements concernés

 

Fabrication des cellules de batteries et modules de batteries à condition que ces derniers soient associés à la fabrication des cellules

 

 

Fabrication de cellules photovoltaïques ou hybrides pouvant être associées à la fabrication de modules photovoltaïques ou hybrides

 

Fabrication des éoliennes terrestres et en mer

Assemblage final et intégration sur leur fondation des éoliennes en mer

 

 

Fabrication des pompes à chaleur quelle que soit la technologie utilisée

 

(b) fabrication des autres composants essentiels conçus et utilisés principalement comme intrants directs dans la production des équipements mentionnés au (a) 

 

 

Y compris des matériaux actifs de cathode et de leurs précurseurs, de la cathode, des matériaux d'anode et de leurs précurseurs, d'anode, des sels d'électrolyte, de l'électrolyte, de liants polymères, de nanotubes de carbone, de zincate de calcium, de poudres nanométriques de silicium, de feuillards de cuivre et d'aluminium et de séparateurs et collecteurs destinés aux batteries

 

Y compris des plaquettes de silicium destinées aux usages photovoltaïques, des lingots de silicium, des supports de panneaux sur tout type de surface et du verre utilisé dans les applications de production d'énergie solaire

 

Y compris des mâts, des pales, des nacelles, des fondations posées ou flottantes, des sous-stations électriques et des câbles dynamiques et électriques de raccordement notamment inter-éoliens

 

Pas de précision supplémentaire

 

 

(c) l'extraction, la production, la transformation et la valorisation de matières premières critiques correspondantes nécessaires à la production des équipements et composants essentiels mentionnés aux (a) et (b)

Matières premières critiques

 

Le silicium et les matières premières critiques

 

 

Matières premières critiques

 

Matières premières critiques

 

Le B du II du même article prévoit que ces équipements, composants essentiels et matières premières seront précisés par arrêté conjoint des ministres chargés de l’économie et de l’industrie.

Calcul du crédit d’impôt 

L’assiette du crédit d’impôt est constituée par les dépenses engagées, dans le cadre du plan d’investissement de l’entreprise, qui entrent dans la détermination du résultat imposable en vue de la production ou de l’acquisition des actifs corporels et incorporels suivants : 

1. Les bâtiments, installations, équipements, machines et terrains d’assise nécessaires au fonctionnement de ces derniers équipements, sous réserve d’être acquis auprès d’un tiers qui n’est pas lié au sens de l’article 39, 12 du CGI à l’entreprise bénéficiant du crédit d’impôt ; 

2. Les droits de brevets, licences, savoir-faire ou autres droits de propriété intellectuelle, sous réserve de respecter certaines conditions, notamment d’être inscrits à l’actif du bilan de l’entreprise bénéficiant du crédit d’impôt, d’être amortissables et d’être acquis auprès d’un tiers qui n’est pas lié au sens de l’article 39, 12 du CGI à l’entreprise bénéficiant du crédit d’impôt ; 

3. Les autorisations d’occupation temporaire du domaine public (AOT) constitutives d’un droit réel. 

Ces dépenses sont prises en compte à hauteur de leur prix de revient minoré des taxes et frais de toute nature, à l’exception des frais directement engagés pour la mise en état d’utilisation du bien. Les aides publiques reçues à raison des dépenses ouvrant droit au crédit d’impôt sont déduites de l’assiette. 

Sont prises en compte dans l’assiette du crédit d’impôt les dépenses se rapportant à la production ou à l’acquisition des deux premiers types d’actifs, engagées à compter de la réception de la demande d’agrément. Les dépenses se rapportant à l’acquisition d’AOT sont prises en compte dans l’assiette du crédit d’impôt pour la période comprise entre la date de signature de la convention, qui ne peut être antérieure à la réception de la demande d’agrément, et l’expiration du délai minimum d’exploitation (cinq ans ou trois ans) de l’investissement (CGI art. 244 quater I, VIII, C). 

  • L’agrément préalable 

Le bénéfice du nouveau crédit d’impôt est conditionné à la délivrance d’un agrément préalable portant sur le plan d’investissement de l’entreprise. Cet agrément est délivré par le ministre chargé du budget, dans les conditions prévues à l’article 1649 nonies du CGI et sur avis conforme de l’ADEME qui attestera en outre que les activités mentionnées dans la demande d’agrément sont effectivement éligibles au crédit d’impôt.

La décision de délivrance ou de refus de l’agrément sera rendue dans un délai de trois mois à compter de la date de dépôt d’une demande d’agrément complète. Pour les demandes d’agrément déposées avant l’entrée en vigueur de la loi, le délai d’examen des demandes court à compter de cette entrée en vigueur (voir ci-après). 

 La délivrance de l’agrément sera subordonnée au respect des conditions cumulatives suivantes, énumérées au B du VIII de l’article 244 quater I à savoir : 

- L’entreprise remplit l’ensemble des conditions lui permettant d’être éligibles au crédit d’impôt (voir ci-dessus les entreprises concernées) ;

- Le plan d’investissement portant sur la production des composants essentiels utilisés comme intrants directs dans la production des équipements éligibles ou portant sur la production ou la valorisation de matières premières critiques nécessaires à la production des équipements ou composants essentiels prévoit qu’au moins 50 % du chiffre d’affaires des projets de production ou de valorisation est réalisé avec des entreprises fabriquant les équipements ou composants éligibles ; 

- Les éléments fournis à l’appui de la demande d’agrément sont de nature à faire regarder le plan d’investissement comme viable. 

Il est prévu que le non-respect des conditions après la délivrance de l’agrément entraînera le retrait de celui-ci et la déchéance des avantages fiscaux qui y sont attachés, dans les conditions prévues à l’article 1649 nonies A du CGI. Dans ce cadre, l’article 35 de la loi de finances modifie les dispositions de l’article L.169 du LPF relatives au délai de reprise de l’administration afin de prévoir que pour ce nouveau crédit d’impôt la prescription triennale sera décomptée à partir de la date de rupture des engagements ou de celle du non-respect des conditions auxquelles l’octroi de l’agrément a été subordonné. 

Enfin l’avantage fiscal ne sera pas repris lorsque les investissements aidés seront transmis dans le cadre d’opérations de fusions, de scissions ou d’apports partiels d’actifs si le bénéficiaire de la transmission s’engage à en maintenir l’exploitation dans le cadre d’une activité éligible pendant la fraction du délai minimal d’exploitation restant à courir.

  • Taux du crédit d’impôt et plafond 

Le taux du crédit d’impôt est égal à 20 % des dépenses d’investissement mais pourra être porté à 25 % ou à 40 % dans les zones définies aux annexes 1 et 2 du décret n° 2022-968 du 30 juin 2022 relatif aux zones d’aide à finalité régionale et aux zones d’aide à l’investissement des petites et moyennes entreprises. 

Ces taux pourront en outre être majorés pour les investissements réalisés par des petites et moyennes entreprises au sens de la définition de l’annexe I au règlement (UE) n° 651-2014 de la commission européenne du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur (Règlement général d’exemption par catégories - RGEC). 

Le tableau ci-dessous présente le plafond des aides en fonction de la zone et du type d’entreprise.

Taux normal
Zones annexe 1  décret n° 2022-968 du 30 juin 2022  Zones annexe 2 décret n° 2022-968 du 30 juin 2022
  Plafond de crédit d'impôt par entreprise 150 millions d’euros
200 millions d’euros 350 millions d’euros 

 

Taux

Grandes entreprises  20 %
25 % 40 %
Moyennes entreprises 30 % 35 %
50 %
Petites entreprises 40 % 45 %
60 %

Source CF, AN, n° 1745

Le montant total du C3IV ne peut en principe excéder 150 M€ par entreprise. Ce montant pourra toutefois être porté à 200 M€ ou à 350 M€ pour les investissements réalisés dans les zones définies aux annexes 1 et 2 du décret n° 2022-968 du 30 juin 2022 relatif aux zones d’aide à finalité régionale et aux zones d’aide à l’investissement des petites et moyennes entreprises, étant précisé que le respect de ce plafond s’apprécie en totalisant l’ensemble des aides d’État obtenues par des entreprises qui ne sont pas considérées comme autonomes au sens du 1 de l’article 3 de l’annexe I au règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014.  

L’article 35 précise en outre que le crédit d’impôt peut être cumulé avec une autre aide d’État, sous réserve de respecter les règles de cumul énoncées au 1.5 du TCTF.  

  • Utilisation du crédit d’impôt 

Le crédit d’impôt s’appliquera par fractions au titre des années ou des exercices au cours desquels les dépenses éligibles du plan d’investissement sont engagées. Chaque fraction du C3IV s’imputera sur l’impôt dû par le contribuable au titre de ladite année ou dudit exercice.  

Pour les entreprises qui ne sont pas soumises à l’IS, quelle que soit la date de clôture des exercices et quelle que soit leur durée, la fraction du crédit d’impôt sera calculée par référence aux dépenses engagées au cours de la dernière année civile écoulée.  

En cas d’excédent de crédit impôt celui-ci sera immédiatement restituable.  

  • Application et entrée en vigueur du nouveau dispositif 

Le C3IV s’appliquera au titre de projets agréés jusqu’au 31 décembre 2025. Il concernera les demandes d’agrément déposées à compter du 27 septembre 2023 (date de présentation du projet de loi de finances pour 2024 en Conseil des ministres).  

La Commission européenne ayant validé le nouveau dispositif, son entrée en vigueur est désormais conditionnée à la publication d'un décret à paraitre au plus tard dans les trois mois de la réception par la France de la décision de la Commission.

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Emmanuel Raingeard de la Blétière

Emmanuel Raingeard de la Blétière

Avocat, Associé, PwC Société d'Avocats

Valérie Aelion

Valérie Aelion

Avocat, Directeur, PwC Société d'Avocats

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