Renforcement du contrôle des prix de transfert des multinationales (LF art. 116)

Conformément aux annonces de Gabriel Attal en mai 2023, reprises dans les mesures 24 et 25 du Plan de lutte contre la fraude fiscale, sociale et douanière présenté en juin 2023, l’article 116 de la loi de finances pour 2024 renforce les obligations documentaires des entreprises en matière de prix de transfert, ainsi que les outils de contrôle de l’administration s’agissant des actifs incorporels difficiles à évaluer.

Renforcement des obligations documentaires en matière de prix de transfert

Les dispositions de l’article L. 13 AA du LPF prévoient que doivent tenir à la disposition de l’administration une documentation permettant de justifier des prix de transfert qu’elles pratiquent avec leurs sociétés associées, les entreprises :

  • dont le chiffre d’affaires annuel HT ou l’actif brut figurant au bilan excède 400 M€, ou 

  • détenant à la clôture de l'exercice, directement ou indirectement, plus de la moitié du capital ou des droits de vote d'une entité juridique qui répond au critère précédent, ou 

  • placées sous le contrôle majoritaire d’une entité qui répond au premier critère, ou

appartenant à un groupe d’intégration fiscale lorsque ce groupe est composé d’au moins une entité qui répond au premier critère En outre, lorsque les transactions sont réalisées avec des entités situées dans un ETNC, l’article L.13 AB du même LPF prévoit l’établissement d’une documentation complémentaire pour chaque entreprise bénéficiaire des transferts. 

À défaut de remise de cette documentation dans les délais prévus, l’administration peut mettre en demeure l’entreprise de la lui remettre dans un délai de trente jours. Le défaut de réponse à cette mise en demeure entraine l’application d’une amende dont le montant (CGI art. 1735 ter) :

  • ne peut être inférieur à 10 000 € ; 

  • et peut atteindre le plus élevé des montants suivants : 
    • 0,5 % du montant des transactions non documentées ou
    •  5 % des rehaussements prononcées sur le fondement de l’article 57 du CGI.

Afin de renforcer la capacité de l’administration à détecter et sanctionner les utilisations abusives des règles de prix de transfert, l’article 116 de la loi de finances pour 2024 : 

  • réduit le seuil de déclenchement de cette obligation de documentation de 400 M€ à 150 M€ pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2024 (LPF art. L. 13 AA modifié),

  • porte à 50 000 € le montant plancher de l’amende pour non-présentation de la documentation prix de transfert, pour les infractions commises à compter du 1er janvier 2024 (CGI art. 1735 ter).

Par ailleurs, la loi de finances pour 2024 rend cette documentation sur les prix de transfert opposable au contribuable, en instaurant, pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2024, une présomption simple de transfert de bénéfices à raison de l’écart constaté entre le résultat de la société et le montant qu’il aurait atteint si la politique de prix de transfert telle que documentée avait été respectée, dans l’hypothèse où la méthode de détermination des prix de transfert s’écarterait de celle prévue par la documentation.

La personne morale vérifiée pourra toutefois combattre cette présomption simple en apportant la preuve de l’absence de transfert soit par voie de majoration de diminution des prix d’achat ou de vente, soit par tout autre moyen.

Renforcement des outils de contrôle de l’administration des actifs incorporels difficiles à évaluer 

Afin de lui permettre d’appliquer pleinement les règles OCDE pour contrôler le prix des cessions d’actifs incorporels, l’article 116 de la loi de finances pour 2024 introduit la possibilité pour l’administration fiscale, pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2024, de rectifier la valeur d’un actif ou d’un droit incorporel transféré difficile à évaluer sur la base de résultats postérieurs à l’exercice au cours duquel a eu lieu la transaction (CGI art. 238 bis-0 I ter nouveau).

Par renvoi aux règles applicables pour DAC 6 (CGI art. 1649 AH, II-E-2°), sont visés les actifs et droits incorporels difficiles à évaluer (AIDV ou « hard-to-value-intangibles »), à savoir ceux pour lesquels, au moment du transfert entre des entreprises associées :

  • il n’existe pas de comparables fiables ;

  • au moment où l'opération a été conclue, les projections concernant les futurs flux de trésorerie ou revenus attendus de l'actif incorporel transféré, ou les hypothèses utilisées pour évaluer cet actif incorporel sont hautement incertaines, et il est donc difficile de prévoir dans quelle mesure l'actif incorporel débouchera finalement sur un succès au moment du transfert.

Par exception, et conformément aux principes OCDE, une telle rectification sur la base de résultats postérieurs n’est pas applicable dans les cas de figure suivants : 

  • Le contribuable, d’une part, fournit des informations détaillées sur les prévisions utilisées, au moment du transfert, pour déterminer les prix, notamment les modalités de prise en compte des risques et des événements raisonnablement prévisibles ainsi que leur probabilité de réalisation, et, d’autre part, établit que la différence significative entre ces prévisions et les résultats réels est due soit à la survenance d’événements imprévisibles lors de la détermination du prix, soit à la réalisation d’événements prévisibles, à la condition que leur probabilité d’occurrence n’ait pas été sous‑estimée ou surestimée de manière significative au moment de la transaction ;

  • Le transfert en cause est couvert par un accord préalable en matière de prix bilatéral ou multilatéral, en vigueur pour la période concernée, entre les juridictions du cessionnaire et du cédant ;

  • L’écart entre la valorisation résultant des prévisions établies au moment de la transaction et celle constatée au vu des résultats réels est inférieur à 20 % ;

  • Une durée de commercialisation de cinq ans s’est écoulée après l’année au cours de laquelle l’actif ou le droit a produit pour la première fois des revenus provenant d’une entité non liée au cessionnaire et, durant cette période, l’écart entre les prévisions établies au moment de la transaction et les résultats réels est inférieur à 20 %.

Enfin, afin de rendre pleinement effectif ce nouvel outil de contrôle, le droit de reprise de l’administration est renforcé à deux égards en matière d’actifs incorporels difficiles à évaluer : 

  • D’une part, son droit de reprise, actuellement fixé à trois ans, est allongé pour expirer à la fin de la sixième année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due (LPF art. L. 171 B nouveau) ;

  • D’autre part, une nouvelle exception à la garantie de non-renouvellement d’une vérification de comptabilité est instaurée, autorisant ainsi l’administration à procéder à une nouvelle vérification de comptabilité pour un impôt ou une période dont la vérification est achevée (LPF art. L. 51, 8° nouveau).

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Fabien Fontaine

Fabien Fontaine

Associé, PwC Société d'Avocats

Marie-Laure Hublot

Marie-Laure Hublot

Avocate, Associée, Toulouse, PwC Société d'Avocats

Charlotte Guincestre Carpentier

Charlotte Guincestre Carpentier

Fiscaliste, Département Doctrine, PwC Société d'Avocats

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